LE MOUVEMENT AUTONOME EN ITALIE

Les expe'riences qui se sont de'veloppe'es dans les dernieres
anne'es ont permit de ve'rifier que la gauche institutionnelle ou
institutionalise' est completement incapable (que ce soit sur le plan
the'orique ou sur celui de l'application pratique) de re'ponde
concretement aux besoins et aux revendications des gens. Le
rugueux de'bat autour du theme du fe'de'ralisme, l'utilisation de
phrase'ologies de la part de groupes politiques qui n'ont rien a voir
avec les contenus de celles-ci, la recherche continuelle et quoi qu'il
en soit de se mettre en avant en tant que "nouveaute'" pour cacher
ses propres vieilleries, voila le cadre ge'ne'ral dans lequel ont
fermente' les expe'riences et mouvements qui, au fil des anne'es,
ont commence' a rede'finir, dans la pratique et avec un
de'veloppement autogestionnaire, de nouvelles facons de
s'affronter aux ne'cessite's que le quotidien impose. Ainsi sont
ne'es des activite's artisanales, agricoles, de services, de loisirs,
utilisant une technologie moderne ou reproduisant des modes de
production plus traditionnels, mais ayant toujours comme finalite'
une effective autogestion de son propre travail et de sa propre vie.
Centres sociaux, banques alternatives, e'coles autoge're'es, maisons
occupe'es, coope'ratives de production ou de consommation, auto-
productions musicales... sont quelques unes des entite's qui ont fait
leurs la me'thode de l'autogestion.
 Dans les anne'es 80, ces pratiques se sont distingue'es par un refus
de dimension "projectuelle" et politique, a laquelle elles ont
oppose' une espece de minimalisme que l'on peut re'sumer par la
formule: small is beautiful (ce qui est petit est beau). Les anne'es
passant ces entite's ont commence' a se rendre compte que de se
renfermer dans sa coquille ne servait a rien; de fait, le risque est
celui d'une progressive implosion qui annule ou de'nature les
expe'riences, ce'dant ainsi le terrain aux me'canismes e'prouve's du
marche' et du profit (ou simplement de l'extinction). Ainsi s'est
mise en place une longue et pe'nible de'marche (aujourd'hui
encore, a ses pre'mices) de confrontation avec les expe'riences
similaires ou caracte'rise'es par le meme cliche' autogestionnaire.
Et de cette maniere ont de'bute' les premiers e'changes, se sont
de'veloppe's les contacts; on a cherche' a sortir pe'niblement de la
marge, d'une sorte de ghetto=EFsation dans laquelle la socie'te'
dominante a essaye' et essaie encore volontiers d'enfermer ces
re'alite's, consciente que l'e'norme porte'e des concepts exprime's et
la richesse "projectuelle" peuvent, a la longue, mettre en crise la
modalite' organisationnelle de l'Etat, ce qui re'velle en soi une
fragilite' et une toujours plus nette incapacite' a re'pondre de facon
acceptable aux demandes des gens du commun.
 Ainsi, apres une rencontre qui s'est tenue a Bologne ces derniers
mois, on a pense' a essayer de ve'rifier concretement les
potentialite's d'un mouvement extremement divise' et
contradictoire, mais aussi plein d'e'lan et de potentialite's. C'est-a-
dire qu'on a pense' que la valorisation de cet e'change,
d'expe'riences concretes comme d'e'laborations abstraites, serait
qu'il puisse fournir un nouveau ressort et stimuler d'autres
occasions d'e'changes et d'e'largissements de ces expe'riences. Du
reste, si la crise de l'e'conomie (et par dessus tout de l'emploi) met
en e'vidence l'incapacite' du capitalisme a re'pondre aux
ne'cessite's premieres d'une grande part de la population de la
planete; si les re'ponses qui sont fournies sont toujours plus
caracte'rise'es par l'usage de la contrainte, s'il est e'vident que tout
cela peut venir de l'extreme faiblesse de la riposte, alors il nous
semble que le moment est venu de commencer a cre'er des
occasions de dialogue entre les diffe'rentes manieres de voir de
l'univers autogestionnaire.
 En substance, l'ambition qui nous motive est celle de de'velopper
un milieu dans lequel puisse etre mis concretement en contact les
diffe'rentes entite's, dans lequel puissent na=EEtre et cro=EEtre des
occasions de confrontations sur le fascinant mais difficile terrain
des utopies concretes. Construire une aire de communication est
un premier pas, un passage ne'cessaire pour qui veut sortir de la
marginalite' des ghettos dans lesquels on voudrait nous confiner,
contribuant a l'ouverture de nouveaux espaces politiques et
sociaux de coope'ration et d'e'changes non marchands.

Fe'de'ration anarchiste de Milan
Version francaise: Le Monde Libertaire 28 septembre 94