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        10 fe'vrier 1995 / N- 07
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SPECIAL OCCUPATIONS DE LOGEMENT

1) PARIS : "TOI, TOIT, MON TOIT"
2) PARIS : DE QUEL DROIT ?
3) PARIS : PRECIS DE DECOMPOSITION DES QUARTIERS
4) NANTES : RECULER POUR MIEUX SAUTER
5) BORDEAUX : POUR LE DROIT AU LOGEMENT
6) TOURS : LORSQUE LA BISE FUT VENUE


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PARIS : "TOI, TOIT, MON TOIT"
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Une re'quisition de logements dans le quartier de "La Moskowa", dans le 18e
arrondissement de Paris.

Le samedi 20 janvier au matin, par un froid de canard, une centaine de
personnes se dirige vers le 37, rue Bonnet, dans le quartier de la Moskowa.
Les appartements (en parfait e'tat) d'un petit bâtiment, promis a` la
de'molition sont re'qui-sitionne's !

L'initiative, lance'e par des habitants du quartier, et soutenue par
diverses associations  et forces politiques ("18e Paralle`le", Comite' des
sans-logis, Les Verts, LCR, Groupe "Louise Michel" de la Fe'de'ration
anarchiste) vise, d'une part, a` re'pondre a` un besoin urgent de logement,
et s'inscrit dans la continuite' des ope'rations mene'es depuis l'anne'e
dernie`re sur le proble`me des mal-loge's a` Paris, comme en province; de
l'autre a` s'opposer aux plans de "re'ame'nagement" de la Semavip (1) qui
massacre litte'ralement ce quartier populaire typique.

La Zac-Moskowa est, en effet, une ope'ration "exemplaire" des me'thodes
employe'es par la Ville de Paris. L'immeuble re'approprie' par les
habitants est promis a` la casse, pourtant, il correspond parfaitement aux
besoins de logement de personnes du quartier ayant peu ou pas de moyens
financiers.  Ensuite, ce que l'on peut de'ja` voir de l'ope'ration montre,
une fois de plus, que la Zac n'est pas faite pour re'pondre aux besoins des
habitants, pour ame'liorer leurs conditions de vie, mais pour faire de la
Moskowa un de ces "quartiers vitrines" aseptise's, sans âme, livre's au
be'ton et a` la normalisation, avec quelques pelouses "interdites" comme
alibi et six mille me`tres carre's de bureaux en prime...

Un projet tellement scandaleux - par rapport a` l'image sympathique de
"village" qu'a la Moskowa -, que notre nouveau maire s'e'tait prononce' a`
plusieurs reprises pour l'arret des proce'dures de de'molition dans le
pe'rime`tre de la ZAC. Une exposition de photographies sur ce quartier
e'tant meme organise'e (depuis le jeudi 25 janvier) a` la mairie
d'arrondissement.

Plutot que d'assister a` une sorte d'enterrement certes culturel, mais
de'finitif, de ce Paris populaire que tout le monde regrette, les habitants
de la Moskova ont de'cide' de prendre les choses en main, par la
re'quisition d'un immeuble tre`s habitable, mais aussi, paralle`lement, par
la conception d'un contre-projet de re'ame'nagement de la Moskowa (avec
l'aide de l'e'cole d'architecture de La Villette). Un bel exemple de
citoyennete' active !

Il n'en reste pas moins que la bataille s'annonce difficile. La Semavip
semble pre`te a` tout pour imposer ses projets aux habitants. De`s les
jours suivants la re'quisition, les grandes manoeuvres d'intimidation
commençaient.

Des ouvriers sont envoye's pour tenter d'abattre des cloisons au 35 de la
rue Bonnet, sans doute par peur que d'autres mal-loge's suivent l'exemple
du 37... Tentative d'exe'cutrion d'un "Permis de de'molition" pour le
bâtiment de fond de cour (que la Semavip croit inoccupe') et qui avait
de'ja` e'te' partiellement saccage' par les sbires de la Semavip. Manque de
bol, il a de'ja` re'quisitionne' aussi.

La police convoque, au tristement ce'le`bre commissariat des
Grandes-Carrie`res, un a` un tous les occupants du 37, pour des
"auditions". En fait, pour les cuisiner un peu et savoir "qui" est
derrie`re tout ça`...

Enfin (mais ce n'est pas fini), a` plusieurs reprises la pre'sence massive
et conjointe (sans doute un hasard) de forces de police et d'ouvriers de la
Semavip avec pioche et pelles tente d'intimider nos "squatters" et
proce'der a` une de'molition sauvage... Manque de bol, ils devront se
re'soudre : rien ne peut etre entrepris tant qu'il y aura des gens a`
l'inte'rieur. Il ne leur reste plus qu'a` mener la gue'rilla juridique pour
obtenir un avis d'expulsion.

Cette action d'e'clat aura donc, entre autre, eu le me'rite de mettre de
nouveau a` l'ordre du jour la question de l'ame'nagement urbain des
quartiers parisiens, tel qu'il se pratique depuis quelques de'cennies. De
rappeler aussi, a` ceux qui nous gouvernent, qu'il faudra aussi compter
avec nous, habitants, associations, militants du quartier. Et nous comptons
bien nous battre pour en finir avec les projets de'cide's dans les
antichambres du pouvoir municipal, correspondant avant tout a` d'obscures
objectifs financiers et politiques.

Cela d'autant plus que, dans le XVIIIe, la Zac-Moscowa n'est pas la seule
ope'ration de "re'novation" impose'e aux habitants. Le vote au forcing, par
le Conseil de Paris, du projet de la Zac-Pajol, vient nous rappeler que nos
besoins ne seront pris en compte que si nous savons les exprimer
clairement.

A nous, donc, de trouver (et inventer) les moyens de leur faire comprendre
que nous avons besoin de logements (tre`s beaux et pas chers!), d'e'coles,
de jardins, d'e'quipements collectifs, de terrains de sport, etc. La
re'quisition de la rue Bonnet est un premier pas. Continuons...

        - Collectif "Dix-huitie`me Paralle`le" (Paris)

(1) Socie'te' d'e'conomie mixte a` qui la Ville "sous-traite" les grandes
manoeuvre de la Zac-Moskowa. C'est tout dire...


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PARIS : RE'QUISITION
au 37, rue Bonnet d'un immeuble a` caracte`re social
situe' dans la Z.A.C. Moskowa, Paris 18e

DE QUEL DROIT ?
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Et si vous veniez visiter ce qui reste encore d'un faubourg du Paris
d'avant-guerre, construit entre les anciennes "fortifs" et le chemin de fer
de Petite Ceinture ?

L'immeuble que nous avons re'quisitionne' appartient a` la Socie'te'
d'E'conomie Mixte de la Ville de Paris; il est promis a` de'molition. Par
cette action, nous voulons le sauver et acce'der a` un logement de'cent
pour lequel nous serions prets a` assumer une contribution (charges, eau,
EDF...) a` la mesure de nos revenus.

Il n'y a pas d'insertion possible sans toit.

Au premier abord, il y a bien des raisons d'etre choque's par l'e'tat de la
plus grande partie de ces ruelles aux pave's de'chausse's, devant les
boutiques ferme'es des artisans, les maisons et les hotels meuble's souvent
de'truits ou mure's. Mais ...

Vue depuis le terrain ces dernie`res anne'es, cette situation n'est pas
l'oeuvre naturelle du Temps, mais le re'sultat d'une volonte' politique, et
financie`re (voir le "pre'cis de de'composition des quartiers" )
Au-dela` des regrets de la me'moire et du charme qu'on efface
comme si de rien n'e'tait, c'est tout un patrimoine d'habitat social qui
disparait ici, construit par les parisiens entre le milieu du XIXe sie`cle
et 1940. Or il s'ave`re que les constructeurs d'aujourd'hui sont bien moins
compe'titifs pour re'pondre, en terme de logements, au proble`me de
l'insertion.

Dans des quartiers comme le notre, des ateliers sont re'ame'nageables tre`s
simplement - ce qui permettrait a` beaucoup de travailler.
Il y a des studios, des chambres pour etre chez soi, des pie`ces communes
ou` partager les repas, des cours et des jardins pour rencontrer voisins et
passants...

Quand nos e'lites re'pe`tent dans les me'dias "restaurons le lien social",
"luttons contre l'exclusion", "aidons l'initiative individuelle pour
l'emploi", "concertation avec les associations locales"... C'est ce que
nous faisons ici.

        - Collectif d'habitants de la Moskowa


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PARIS : PRECIS DE DECOMPOSITION DES QUARTIERS
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Re'sume' de l'action de la Ville de Paris a` La Moskowa

1- Geler les baux commerciaux, pour obtenir grâce a` tous ces
rez-de-chausse'e vides un fond de tristesse et de pourrissement.

2- Abandonner le re'seau des e'gouts a` lui-meme. En surface, alterner
inondation excessive des rues (infiltration), et ne'gligence de nettoyage
(par exemple laisser trainer les pre'servatifs jete's par certains clients
de la prostitution tole're'e sur le boulevard Ney).

3- Des anne'es durant, racheter discre`tement les appartements qui se
libe`rent: on les fera vandaliser pour justifier ulte'rieurement un
parti-pris de de'molition plutot que de re'habilitation.

4- Faire disparaitre de's que possible les bâtiments sains, laisser sur
pied des anne'es les plus de'grade's.

5- Bien avant toute de'cision vote'e, laisser courir la rumeur; conseiller
aux personnes âge'es de partir.

6- Pour e'viter le relogement, inciter financie`rement les proprie'taires
a` se de'barrasser eux-memes de leurs locataires.

7- Conduire en paralle`le de pre'tendues e'tudes urbaines, longues,
opaques, couteuses et inutiles puisqu'a` terme on conclura bien sur qu'il
n'y a rien d'autre a` faire que de revendre a` de complices promoteurs les
terrains "nus et viabilise's".

8- Savoir recueillir les plaintes avec compre'hension et se poser en
sauveurs, en bâtisseurs dynamiques luttant contre l'insalubrite'.

9- Saupoudrer d'Utilite' Publique (espace vert, e'cole, foyer 3e âge,
etc...), un volume de constructions suffisant pour brasser millions de
francs et commissions.

10- Un peu avant de servir, ouvrir un local d'information "transparent", ou
l'on vous racontera une Hhstoire sans doute bien diffe'rente.

        - Collectif d'habitants de la Moskowa


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NANTES : RECULER POUR MIEUX SAUTER
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Depuis le mois de fe'vrier 1995, un squatt politique, Le Courtois, s'est
ouvert dans un quartier de Nantes voue' a` la re'novation. Il s'est ouvert
a` l'initiative d'un collectif luttant notamment contre la pre'carite', le
Comite' Pre'caires et Solidaires nantais(e)s. Ce collectif s'est fait
remarquer sur Nantes par ses interventions lors des manifestations anti-CIP
notamment, par l'occupation toute symbolique, durant 24 heures, d'une ANPE
de'saffecte'e et par son discours anticapitaliste rupturiste (critique du
travail comme "invariant de la nature humaine", du chomage percu comme un
"mal social", de'fense de l'e'galite' sociale et e'conomique. . .).

Lorsque le projet a commence' a` germer dans les esprits, il n'e'tait donc
pas question de se battre pour demander l'application de la loi de
re'quisition, ni de cre'er un collectif Droit Au Logement, mais de montrer
qu'un collectif de lutte anti-autoritaire pouvait soutenir un groupe
d'individus de'cide's (dont certains militaient en son sein) a` se
re'approprier un lieu laisse' vide en centre-ville, de refuser le
"caritatif system" et l'"assistanat social". Pourquoi en centre-ville, a`
quelques pas de la prestigieuse Cite' des Congre`s ? Parce qu'a` Nantes,
comme dans d'autres villes, on assiste a` la destruction des anciens
quartiers ouvriers, qui laissent la place a` du locatif pour jeunes cadres
de'sireux de re'inte'grer l'inner-city et rejettent ainsi la population
modeste en banlieue.

Il n'e'tait e'galement pas question d'occuper n'importe quel lieu: la
volonte' unanime e'tait que le squatt ne soit pas uniquement un habitat
collectif, mais e'galement un espace anti-autoritaire ge're'
collectivement, un lieu de vie ouvert a` la politique et a` la
contre-culture, une autre façon aussi de concevoir sa vie. Et le lieu
occupe' re'pond sans proble`me a` cette exigence: un rez-de-chausse'e
immense, capable d'accueillir plus de 150 personnes, et un e'tage disposant
d'une demi-douzaine de chambres. Et si le squatt a surve'cu jusque la`, il
le doit en grande partie a` son ouverture sur l'exte'rieur. Il est devenu
une sorte de "maison de quartier autoge're'e", accueillant des cours divers
(de langues, de sports d'autode'fense), des concerts (la plupart du temps
en soutien a` des luttes) et une cantine ve'ge'tarienne hebdomadaire,
anime'e par des gens suffisamment responsables pour ne pas s'alie'ner un
voisinage force'ment intrigue' et soupconneux.

Jusqu'a` la mi-septembre, Le Courtois est demeure' un "vrai" squatt (au
sens juridique), peu inquie'te' par la maison Poulaga, grâce a` l'extreme
discre'tion du proprie'taire (uniquement inte'resse' par la vente du
bâtiment a` la municipalite'). Quand la Mairie a enfin rachete' le lieu,
elle a propose' aux squatteurs et squatteuses des baux pre'caires. Apre`s
de'bat, le collectif des occupant(e)s, collectif regroupant des
re'sident(e)s et ceux et celles qui les soutiennent (qui se re'unit bon an
mal an chaque semaine et est autonome de Pre'caires et Solidaires), accepta
pour une simple question de... confort ! En effet, sans e'lectricite' ni
eau courante, impossible de vivre, de de'velopper des projets, d'agir sur
la ville. En acceptant les propositions de la Mairie, en refusant la
radicalite' pour la radicalite' (le refus de se faire "le'galiser"
e'quivalant a` la mort du squatt), le collectif des occupant(e)s a fait un
pari: faire du squatt Le Courtois un autre lieu radical sur la ville, moins
marque' ide'ologiquement que Le Local (16, rue Sanlecque, 44000 Nantes),
plus ouvert sur la contreculture, donc sur des approches diffe'rentes de la
politique (qu'il convient e'videmment de ne pas mythifier !)... "Reculer
pour mieux sauter", en quelque sorte

Le squatt Le Courtois sera ce que les occupant(e)s en feront ! C'est une
e'vidence, mais il est bon de le rappeler parfois. Les projets ne manquent
pas: le maintien de la cantine a` 10 francs attire plus de 40 personnes
chaque semaine; le journal mural informe les habitants du quartier de
l'activite' du squatt; les concerts de soutien permettent le financement
d'actions sur la ville (sur le Chiapas, par exemple), la restauration du
lieu (de'coration, ame'nagement...) et d'informer une population peu
encline a` suivre des re'unions-de'bats sur les luttes en cours.

Le squatt vit ainsi sa vie. Il sait aussi que son existence (ou plutot ce
qui fait son originalite': son expression politique anti-capitaliste)
de'pend de la volonte' de la Mairie socialiste (qui est passe'e maitresse
dans l'art de tout inte'grer/normaliser de laisser cette "verrue"
s'enraciner dans un des futurs quartiers chics de la ville, mais e'galement
de la volonte' de ceux et celles qui y viennent: a` eux/elles de s'y
investir, de lui donner vie, de de'passer le simple consume'risme (et on
consomme beaucoup dans la mouvance radicale, du concert anti-ceci au
discours anti-cela!)... en clair, de devenir "acteurs et actrices" de la
contestation sociale. Comme le dit si bien JMR, obscur poe`te ole'ronnais,
"Mieux vaut allumer une seule et minuscule chandelle que de maudire sans
fin l'obscurite'" !

        - Patsy
           Groupe Milly-Witkop de la Fe'de'ration Anarchiste


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BORDEAUX : POUR LE DROIT AU LOGEMENT
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Comme partout ailleurs, le logement devient un proble`me a` partir du
moment ou` certaines personnes se retrouvent proprie'taires du logement que
d'autres occupent. De la meme façon que la domination capitaliste
s'e'tablit a` partir de la possession par quelques-uns des moyens de
production (qui se transforment alors en un outil pour faire des profits en
non en un moyen de satisfaire des besoins), le fait d'etre proprie'taire de
logements signale l'accumulation de capitaux et devient la` aussi un moyen
de faire des profits au de'triment de la satisfaction du besoin
e'le'mentaire de se loger. La situation s'aggrave encore avec
l'organisation du marche' du logement, la spe'culation... Nous sommes dans
un syste`me capitaliste, pardi !

Le proble`me du logement a commence' a` se poser a` Bordeaux de facon plus
cruciale avec l'installation dans la "crise", crise savamment orchestre'e
par le capitalisme lui-meme pour ope'rer une re'organisation interne et
augmenter ses be'ne'fices (construction europe'enne, nouvelle opposition
Nord-Sud).

Proprie'taires et investisseurs se tourne`rent alors vers les vieux
quartiers du centre-ville: certains furent de'truits et reconstruits,
d'autres re'nove's (comme le quartier Saint-Pierre) provoquant le de'part
en banlieue de la population d'origine populaire et/ou immigre'e, incapable
d'assumer l'augmentation des loyers.. . Par contre, en spe'culant
intelligemment et en investissant judicieusement, la bourgeoisie bordelaise
a re'alise' une tre`s bonne ope'ration financie`re !

Ces pre'ce'dents vont amener a` la cre'ation du Front de Libe'ration de
Saint-Michel (autre quartier populaire bordelais) afin de lutter et
de'noncer la spe'culation, les immeubles vides, les expulsions, la
re'novation... De'but 90, c'est la naissance du Mouvement du Ras-le-Bol
(MRLB) autour d'une ide'e simple: face a` la mise`re, a` l'exclusion, a` la
pre'carite', il faut, au-dela` des diffe'rences politiques ou autres,
re'agir collectivement et montrer que l'on est d'accord sur un grand nombre
de choses qui sont des minimums vitaux... comme le droit au logement !
C'est dans le cadre du MRLB qu'agit le groupe Emma-Goldman de la FA.
Ainsi, le MRLB a multiplie' manifestations et occupations symboliques, mais
aussi actions de solidarite' concre`te (distribution de nourriture et de
vetements...), toujours en rappelant qu'il y a plus de 20 000 logements
vides sur Bordeaux pour autant de demandes HLM insatisfaites et qu'on
compte plus d'un millier de sans-abri sur la ville !

Pour e'largir son action, le MRLB lance le collectif "Un toit, un droit",
qui regroupe des associations, des organisations politiques et syndicales.

L'hiver dernier, le collectif exige l'application de la loi de re'quisition
lors de l'ouverture d'un nouveau squatt, au meme moment ou` le DAL, a`
Paris, le fait dans la rue du Dragon. Tout en gardant son inde'pendance,
notre collectif continuera a` travailler avec le DAL et d'autres
associations qui luttent pour le droit au logement, conscient qu'il a fait
beaucoup pour cette lutte de par la me'diatisation qu'il a re'ussi a`
susciter.

Apre`s la mort de deux SDF a` Marseille, se cre'e sur Bordeaux la
Coordination des SDF (CSDF), qui dresse durant deux mois un campement face
a` la mairie, avant de squatter un immeuble. Apre`s des ne'gociations, le
CSDF a obtenu que son immeuble soit e'change' contre deux bâtiments
re'nove's, avec un espace permettant l'accueil des personnes a` la rue. Ce
projet est coordonne' et re'alise' par le CSDF lui-meme ! Comme quoi la
lutte...

Ceci dit, notre petite histoire n'est pas termine'e et nous continuons a`
lutter contre les expulsions, les augmentations (de loyers, de charges,
d'impots locaux...), pour obtenir de nouveaux logements (dans l'urgence et
dans le long terme), et obtenir le maintien des HLM en tant que logements
sociaux... en voyant aussi avec plaisir qu'ailleurs en France, d'autres que
nous s'emparent de ces proble`mes.
De meme, il n'est pas question de se contenter de la situation actuelle:
nous voulons des logements, mais pas des taudis; de meme, le RMI ne peut
nous satisfaire, pas plus que l'organisation de la charite' par les
associations caritatives qui, en plus touchent des subventions pour pallier
a` la mise`re !

Pour notre groupe, il y a le travail que nous effectuons dans le cadre du
collectif (sensibilisation, organisation des luttes...) et puis il y a le
travail spe'cifique de tout militant anarchiste, qui est la` aussi pour
proposer des ide'es et des solutions a` ce proble`me.

Pour nous, il faut s'inscrire dans une strate'gie qui colle a` la re'alite'
du moment, pour organiser le maximum de gens sur les bases les plus claires
possibles, c'est-a`-dire les plus a` meme de gagner des choses qui sont un
pas en avant sur la voie de la transformation du syste`me; expliquer en
quoi exclusion et crise font partie de la logique capitaliste; que les
logements vides font grimper les loyers et gonfler les poches des
spe'culateurs; dire et redire que la proprie'te' c'est le vol; que ce n'est
pas de charite' dont nous avons besoin, mais qu'il s'agit de re'aliser
l'e'galite' e'conomique et sociale, ici comme ailleurs !
De la ne'cessaire organisation de la solidarite' entre les exclus, il nous
faut passer a` l'organisation de la solidarite' entre pre'caires, chomeurs,
et salarie's, tous exploite's par le meme syste`me, sans oublier les
immigre's qui sont toujours les premie`res victimes de l'exclusion.

Pensons a` ceux qui sont ici, mal loge's et mal nourris, et pensons a` ceux
qui arrivent, comme les re'fugie's, pensons a` la carence des liens
d'accueil et pensons aussi aux clandestins, qui se terrent pour e'viter
l'expulsion vers leur pays de mise`re et de tortures, qu'il nous faudra
soutenir et donc he'berger... sans oublier non plus les malades du SIDA,
qui ont de plus en plus de mal a` trouver un logement. Re'sistance
ne'cessaire contre le climat ambiant, se'curitaire, policier et raciste !

        - Groupe "Emma-Goldman" de la Fe'de'ration anarchiste

Contacts :
Groupe Emma-Goldman de la Fe'de'ration anarchiste
7, rue du Muguet, 33000 Bordeaux
Collectif "Un toit, un droit",
11, rue Permentade, 33800 Bordeaux
Te'l.: 56.92.56.50.


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TOURS : LORSQUE LA BISE FUT VENUE
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Comme a` chaque fois, lorsque la bise fut venue, les petites fourmis ont
regarde' les cigales crever de froid dehors en se demandant comment une
telle situation e'tait possible dans une socie'te' aussi de'veloppe'e que
la notre. Comment ne pouvait-on pas loger de'cemment tout le monde,
aujourd'hui. Sauf que l'hiver dernier, les fourmis ont pu constater
l'e'mergence de mouvements dans diffe'rentes villes (Paris, Nantes,
Bordeaux, Montpellier, Tours...) autour de ce the`me. Ces mouvements, de
fait, remettaient en cause la notion de proprie'te' prive'e.

A Tours, le Groupe libertaire de Tours (GLT) a e'te' un des principaux
acteurs de ce mouvement. De`s de'cembre 1994, le GLT a participe' a`
l'occupation symbolique d'un immeuble vide appartenant a` la SNCF (1).
L'objectif de cette action e'tait de mettre en avant le the`me des
re'quisitions. L'hiver battant son plein, certains SDF, ainsi que des
associations et organisations sensibles au sujet, de'cide`rent, de'but
janvier, d'occuper la maison de retraite de'saffecte'e Villate.
l'occupation se conclut deux semaines plus tard par un proce`s intente' par
la Ville contre les occupants: il se solda par l'expulsion en plein hiver.

Ce proce`s e'tait perdu d'avance... L'avocate de la Mairie de Tours posa
clairement le de'bat: ce qui est en jeu, a` travers cette occupation, c'est
le droit de proprie'te'; refuser l'expulsion revenait a` remettre en cause
un des piliers de la socie'te'. Autrement dit, le droit de proprie'te'
pre'vaut sur le fait de pouvoir vivre dignement, et meme de pouvoir vivre
tout court (2).

Ce droit de proprie'te' fait que des gens sont laisse's a` la rue ou vivent
dans de ve'ritables taudis. Le logement est un outil comme un autre pour
spe'culer, pour se faire du fric en rackettant des loyers. En outre, de
plus en plus de personnes sont sinon dans l'impossibilite', du moins ont de
plus en plus de difficulte's a` se loger. L'exclusion et la pre'carite'
aidant, les bailleurs, publics ou prive's, imposent des conditions telles
qu'une fraction de la population se trouve dans l'impossibilite' de
re'pondre aux exigences de ces memes bailleurs: revenus stables, l'accord
d'un garant solvable... Ce processus s'accroit avec l'e'volution de la
dualite' de la socie'te'. C'est un ve'ritable cercle vicieux ! Pour le
briser, il faut donc remettre en cause la proprie'te' prive'e et affirmer
que nous devons pouvoir vivre dignement quels que soient nos revenus ! Par
conse'quent, la lutte pour l'obtention d'un logement de'cent montre qu'il
s'agit de lutter contre le capitalisme, ge'ne'rateur d'exclusion. Vouloir
ame'nager des espaces au sein de cette socie'te' (3) pour la rendre plus
"humaine" est une perspective ne pouvant gue`re de'boucher sur des succe`s
durables dans le contexte actuel. Comment le capitalisme peut-il devenir
plus humain ?

Ainsi pour le GLT, il s'agit de'sormais d'avancer que "nos conditions de
vie ne doivent plus etre de'termine'es par nos revenus (salaires,
allocations, RMI...); chacune et chacun a le droit de se vetir, de se
nourrir, de se loger, de pouvoir satisfaire ses de'sirs... nous devons
pouvoir vivre dignement (Premie`re charte du Comite' tourangeau pour le
droit au logement- CT-DAL), re'dige'e alors que le comite' n'e'tait pas
encore affilie' au DAL). Autrement dit, jusqu'a` pre'sent, la socie'te'
fonctionne sur le principe de quantification, c'est-a`-dire que tout est
quantifie', la valeur d'e'change pre'vaut sur la valeur d'usage. Or, il
parait e'vident que la progression de l'exclusion et de la pre'carite', a`
travers les luttes qui leur sont lie'es, remet en cause cette hie'rarchie:
d'une socie'te' fonde'e sur la quantification, on doit passer a` une
socie'te' fonde'e sur la qualite'. Ce qui nous importe, ce n'est pas
combien vaut telle ou telle marchandise mais qu'elle est l'utilite' de tel
ou tel produit. Les luttes doivent tendre vers la satisfaction des besoins
et des de'sirs.

Devant l'impossibilite' re'elle de poser ces de'bats au CT-DAL, qui depuis
s'est affilie' au DAL, nous nous en sommes retire's. Nous participons a` la
mise en place d'une coordination qui a pour objectif de lutter contre
toutes les exclusions, qu'elles soient sociales, racistes, sexistes...
L'appel de cette initiative pour une coordination a de'ja` e'te' publie'
dans plusieurs journaux, et il est disponible en e'crivant, entre autres,
au GLT (4). . Plusieurs groupes ou associations de chomeurs ou de
pre'caires ont re'pondu. Serons-nous capables de lancer une re'elle
dynamique de lutte contre les exclusions ? Serons-nous capables de
proposer, de concre'tiser des alternatives ?
Par exemple, il nous importe de tenter de rede'finir la place du travail
dans notre socie'te'. Il doit perdre sa centralite' et devenir une
activite' sociale parmi d'autres, comme le sont le fait de militer,
d'adhe'rer a` une association, de faire la fete... Actuellement, le travail
organise, pour la plupart d'entre nous, toute notre vie; il de'termine
notre lieu d'habitation, notre emploi du temps... Il a une place centrale,
tant d'un point de vue mate'riel qu'ide'ologique: la valeur du travail est
centrale. Cette centralite', qui est l'un des fondements de l'ide'ologie
bourgeoise, commence a` etre remis en cause de part, notamment,
l'e'volution de l'exclusion et de la pre'carite' (5).

Nous proposons au contraire de de'velopper la notion de TRAVAIL SOCIALEMENT
UTILE (TSU). En effet, pour de'finir ce qui est "utile" il faut de'terminer
"socialement" quels sont nos besoins sociaux et individuels. Si l'on
de'finit le travail comme une activite' ayant pour but de les satisfaire,
celui-ci trouve sa juste place: il est un moyen parmi d'autres: activite's
que nous devons maitriser, c'est-a`-dire en de'terminer les finalite's,
l'utilisation, les me'thodes, les techniques et les moyens employe's pour
les re'aliser, et ce en vue de connaitre et maitriser nos conditions de
vie.

Utopique ! Nous assumons ! Nous devons tenter de re'fle'chir, de re'aliser,
de faire partager et vivre des utopies cre'atrices, des alternatives en
rupture avec l'ordre existant, sinon les replis re'actionnaires,
corporatistes... seront les seules re'ponses a` l'e'volution du capitalisme
qui engendre de plus en plus de mise`re et de barbarie !

        - Groupe Libertaire De Tours
           Membre de la Fe'de'ration anarchiste
           et du Re'seau "No Pasaran !"

(1) Cette action e'tait a` l'initiative d'AC ! 37, d'ACDC (Association de
chomeurs), de la Confe'de'ration syndicale des familles et a` la CNT 37
(syndicat affilie' a` la CNT dite de Bordeaux).
(2) Tous les ans, pendant l'hiver, des personnes meurent car elles n'ont pu
se loger !
(3) Par exemple, des droits qui, de fait, ne sont "garantis ~ uniquement
que par l'Etat de droit, c'est-a`-dire qu'ils sont bien ale'atoires, comme
le montre l'expe'rience. En outre, cela renforce la le'gitimite' de l'Etat,
puisqu'on s'en remet a` lui pour pre'server ce pour quoi on lutte. De plus,
comment peut-on mettre sur le meme plan le fait de pouvoir se loger (le
droit au logement) et le fait de devoir travailler pour subvenir a` ses
besoins (le droit au travail); c'est confondre la satisfaction des besoins
vitaux (se loger, se nourrir, se vetir...) avec le moyen privile'gie' dans
le syste`me capitaliste de pouvoir y parvenir: le travail, avec comme
corollaire l'exploitation des travailleurs.
(4) plusieurs groupes sont a` l'initiative de cette de'marche:
-Travailleurs-Chomeurs Pre'caires en cole`re
c/o Coordination des sans-abri, 9, rue saint Sauveur, 75002 Paris;
-Pre'caires Solidaires nantais(e)s c/o Le Local, 16, rue Sanlecque, 44000
Nantes;
-Le Courtois, 10, nue de Bitche, 44000 Nantes;
-GLT c/o FA, BP 2114, 37021 Tours cedex.
(5) En outre, le travail est de moins en moins le lieu de socialisation
privile'gie', et on souhaite de moins en moins a` "perdre sa vie a` la
gagner" !